Au paradis les nuits sont un enfer

Kho Tao, petite ile paradisiaque sur la cote Est dans le centre de la Thailande.
Kho tao, petite ile longtemps isolee, oubliee et pris dans le tourbillon touristique des annees 80. Au debut, pas grand chose sur cette ile, puis des routes, des liaisons maritimes regulieres et des pensions qui poussent comme les lois liberticides dans les pays democratiques le long de la cote.

Ces pensions sont faites de bungalows, cahutes en jute, bois et autres materiaux locaux, leurs impacts sur les paysages cotiers sont limites. Elles se situent sur le bord de mer ou nichees dans les versants escarpes de l'ile.

Avec mes compagnons rencontres en chemin ont decide d'aller a Ta Tong Villa, situe sur la pointe sud-est de l'ile. On y accede en bateau ou par plusieurs sentiers, un cotier et l'autre au coeur de l'ile. Le temps de marche entre cette pension et le principal bled de l'ile est d'environ 20 min.
On se prend chacun une cahute, perchee en haut d'un promontoire granitique, composee d'une piece unique, la chambre enfin le lit, et d'une terrasse lovee sous un appenti avec vue sur la mer. Il n'y a ni eau ni electricite. Avec le hamac, une bonne biere et une drole de cigarette Thai, je suis le roi du monde.

Le matin, une legere brise souffle, elle balaie la douceur de la nuit pour faire place a la chaleur moite de la journee qui s'annonce.

Le midi, a l'ombre, je contemple l'ocean du fond de mon hamac, regarde passer les bateaux de peche, de plongeurs, les kayakistes.

Le soir, les couchers de soleil sont un rendez-vous immanquable. Les oranges s'etirent le long des dernieres ardeurs rouges, les bleus tournent au violet et se dechirent lentement vers la penombre. Le soleil crache ses dernieres lueurs puis abandonne. Peu a peu les lumieres des bateaux s'allument et se balancent au gres de la houle.
Les moustiques attaquent, la hamac ayant une moustiquaire c'est pas trop genant.

La nuit, la faune se reveille, toute sortes d'animaux se promenent, visitent ces cahutes dans l'espoir de trouver a manger. La ou l'homme est passe, il y a forcement des restes a se mettre sous la dent. Ca rampe, ca vole, ca grimpe, ca court, ca ronge, ca crache, ca cri, ca se bouscule, se chamaille, se menace, se bat, se debat.
Je suis a l'affut de tous ces bruits de vie qui grouille sous ma case pour la survie d'un soir, d'une famille, d'une espece. Je trippe, essaies de deviner a qui appartiennent ces sons, j'imagine les regards belliqueux pour un trognon de pomme, les combats acharnes pour un reste de chocolat. Qui sont les plus forts? Est-ce les plus gros? Les plus nombreux? Les combats sont-ils un contre un ou sont-ce des bataillons d'infanterie qui cherchent a s'entr'tuer? Existe-t-il des accords des paix entre especes differentes pour eradiquer la plus menacante?

Le matin, je cherche les traces de la nuit d'affrontements. Je suis une colonne de fourmi noires vers leur QG, je scrute les toiles d'araignee, je cherche les trous dans le bois de la cahute ou pourraient se jouer de superbes guet-apen.
En redescendant vers le batiment commun, je croise un varan en train de se dorer au soleil, epuise de sa dure nuit de labeur. Belle bete, environ 1,5m de long. Son air prehistorique lui donne la palme incontestee et incontestable de roi de la nuit sur bout de terre.
Apres un bref inventaire diurne et une reunion au sommet avec mes compagnons pour savoirs quels etaient tous ces animaux qui peuplaient nos nuits, on dresse une liste: varan, rats, souris, ecureils, geikos, crabes de terre enormes ( qui n'apprecie pas du tout qu'on leur marche dessus) et tout le cortege d'insectes nocturnes en tous genres fourmis, papillons, moustiques, cousins...

Les nuits sont mouvementes et incroyablement bruyantes. C'est pas tres tres grave, ca ne m'empeche pas encore de dormir...

Car l'etape suivante pour ces chers animaux est d'accomplir leurs forfaits  un peu plus pres de mon lit. Ca devient genant, le varan est sur la terrasse, le rat  fait un trou dans mon sac a dos pour y chercher sa nourriture, les ecureils se jettent de fenetres en fenetres en poussant des cris tarzanesques, les geikos pouffent de leur rire mecanique et lancinant. Bref, c'est le bordel. Et des que j'arrive enfin a mettre la main sur ma frontale et a l'allumer..bien sur plus aucun bruit, tout le monde a degarpie. Je me retrouve a me pauser la question, ai-je reve?
Mais non, je ne revais pas. Ils se rapprochent, n'ont pas peur de moi. Une nuit, j'entends grater pres de ma tete. Une autre, mes cheveux sont effleures. Mes gestes brusques me rapportent des reprimandent en tout genre. Le clou du clou est la souris, fuyant jenesais quel monstre des tenebres, qui me saute au visage, traverse mon lit de fond en comble en poussant des cris de fin du monde, dans l'espoir de trouver une issue dans la moustiquaire qui entoure mon lit.

Le matin maintenant je constate les degats amerement, le trou dans mon sac s'est aggrandi, les fourmis se sont regalees des cereales, des ananas, elles ont tout investi, les ecureils ont boulotte le pain de mie pourtant bien enveloppe et accroche, les geikos ne sont pas en reste  et les moustiques ont suce mon sang, profitant de trous beant dans la moustiquaire
.
Moralite la nuit, je bois et je fume jusqu'a l'aube. Le jour, je m'endors a l'ombre, me reveilles sous le cagnard, brule par le soleil.


Non. Non, je vous assure ne faites rien pour aller au paradis car les nuits sont un enfer.


27/01/2006
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